Le coquelicot.

Elizabelle volait au dessus de la plaine enneigée sur quelques centimètres d'épaisseur. Elle tenait la main invisible d'Hadrian. Elle s'arrêta soudain en voyant un coquelicot rouge sang gelé en dessous d'elle. Elle se retransforma.

Elle s'approcha, elle pouvait voir sur les pétales miroitant de la fleur, elle et Hadrian dansant une valse romantique, lors de leur union. Elle portait une robe rouge comme l'opiacé qu'elle contemplait. Puis, la vision changea et cette fois, elle était triste, perdue dans ses pensées assise sur une balançoire. Hadrian la surprit et lui tendit un coquelicot, ce qui lui rendit le sourire.

Hadrian? Que se passerait-il si l'on ne se rendormait pas à l'aube...?

C'est d'un regard triste qu'elle posait ses mots dans la brise qui faisait voler ses cheveux d'ébène, tandis que d'une robe rouge sang, elle fût revêtue.

Hadrian la voyait, le regard perdu dans ce coquelicot. Il savait ce que cette fleur signifiait, il la regarda bêtement, sans réagir outre-mesure. Il la connaissait sa reine, son tout, ses pensées, ses actes.. Quand il l'entendit, il s'approcha d'elle et lui prit la main. Il posa son regard dans le sien, le temps semblait se figer. Ils étaient tout deux, seuls, et vivant. Depuis combien de temps n'avaient t'ils pas connus cela ? Certes, ils étaient tout le temps seuls, mais ils ne pouvaient pas bouger, "morts". Et à chaque hiver, voila qu'un gardien les réveillaient. Un gardien toujours présent, toujours collé a eux.. Ils n'étaient jamais seuls. Cette solitude, c'est tout ce qu'il voulait..

"Mon amour, ne vous inquiétez pas. Tout va bien se passer.. Je prendrais soin de vous.." lui dit il en lui baisant les lèvres tendrement.

C'était faux. Son propre cœur commençait a battre rapidement, expulsant de plus en plus difficilement le sang dans son corps. Il se sentait partir quelques fois, perdu dans ses pensées, mais peut-être aussi dans les limbes, qui sait ? Il avait ce regard vitreux qu'ont les vieux quand ils savent qu'ils vont mourir.

"Et puis.. si j'en vient à.. enfin.. je veux dire.. si je.."

Il soupira.

"Si je meurt.. Ne m'en voulez pas mais.. Ne me rejoignez pas."

Elizabelle sourit, il était toujours aussi fou d'elle, malgré toutes les années qu'ils avaient passé sans jamais pouvoir se retrouver seuls.

Hadrian, nous sommes déjà morts... Un petit rire s'échappa de sa bouche.

Je voulais dire par là, si l'on ne retournait pas à l'aube dans la grotte, que va t'il se passer? Mettrions nous Entremonde en péril?

Puis, elle leva la tête. Elle regarda les étoiles qui pouvaient être aperçues au travers des nuages. Les flocons se posaient sur son visage.
Une main dans le dos, elle fit grandir une boule de neige dans sa main droite, elle fit de même avec l'a main gauche, cachée dans les plis de sa robe. Puis, elle la lança sur Hadrian qui se la prit en pleine poire!

Elle lança la deuxième, puis réarma ses mains. Elle riait, elle oubliait la question qu'elle venait de poser. Elle s'amusait.
Elle continua de bombarder son mari, l'explosion des boules de neiges "artificielles" était tellement amplifiée, qu'à chaque fois qu'elles s'éclataient, un gros nuage de neige se formait autour d'eux, couvrant une surface de 10m de diamètre.

Elle courait, se cachait derrière un rocher ou un arbre pour esquiver Hadrian, ou bien se transformait en coup de vent...

Elle revivait.

Hadrian respirait lentement et avec délectation l'air pur de cet Entremonde qu'il ne voyait plus que très peu. Il aurait aimé rouler dans cette neige, ces blanches prairies pendant des heures encore.. Son épouse lui donna quasiment ce plaisir. Une boule de neige.. Fascinant, elle venait d'oublier son étrange question.. Il sourit, réarrangeant une boule de neige d'une main, il lui envoya dans la figure sans grande force, certes, mais assez bien envoyée pour la tremper tout le long du dos.. Que faisait-ils ici déjà ?

"Je vais t'attraper.."

La tutoyer ? C'était nouveau pour lui.. Il se sentait comme à vingt ans.. Il la trouva derrière un rocher et lui sauta dessus, la bloquant dans la neige sans lui faire de mal.

"Je t'ai eue.." lui dit il dans un sourire et un doux baiser.

Il la releva tranquillement et la pris dans ses bras.

"Ne vous inquiétez pas ma reine, il ne nous arrivera rien, à notre monde non plus.. Ils peuvent bien patienter ces petits, non ? Nous rentrerons.. quand nous rentrerons." lui dit il dans un rire.